Auteur/autrice : Florence Girardeau

  • Mer noire 2

    L’eau jusqu’aux genoux, ils ont les mains dans la vase. Des choses, des mollusques, des formations calcareuses qui abritent un animal mou, des herbes pourries aussi, de la boue qui file entre les doigts, ils écartent avec le pouce la vase sur la prise pour voir ce qu’ils ont pris, puis dans le seau. Ici on peut presque s’y cacher, entre les herbes de cette zone, à l’écart de l’étendue d’eau où trop de lumière. Ici on est encore sur terre et on est encore en enfance, un peu, on fait des trouvailles. Ils savent que les autres ne sont pas loin, ils ont du temps, ce n’est pas encore le soir, il y aura bien quelqu’un pour les appeler. Celui qui tient le seau, c’est celui qui décide, pour l’instant. Un autre dit de venir là. Sur l’eau des taches d’essence, même sans on ne voit pas le fond. Il a remonté sa manche mais le bout élargi effilé retombe quand il a la main plongée, mais déjà mouillée la laine de toute façon par la pluie. L’autre, la capuche le gênait, de toute façon, il devait tourner à chaque fois tout le corps quand les yeux seulement ça aurait suffi, les cheveux mouillés et alors. Le troisième lève un peu son affairement et jette un oeil vers le chemin et les dernières maisons. Il la voit qui passe, elle a l’allure et les vêtements d’ailleurs, elle est hors saison et, pas d’importance.
  • Mer noire

    Boue dans les routes du village, les chiens eux ont leur territoire, ils la suivent tant qu’elle est dans cette zone et restent immobile debout à leur frontière lorsqu’elle continue sans courir pour ne pas montrer sa peur. Des flaques à éviter et il y a des pierres qui marquent un trottoir, c’est seulement un signe pour désigner. Elle marche sur la route parallèle au fleuve, quelques mètres plus enfouie dans les terres plates, les habitants sont encore à la pêche. Les maisons comme les chiens s’arrêtent debout immobiles alors qu’elle continue sur le chemin, au milieu des vaches éparpillées au hasard des herbes, et vers une étendue creusée d’étroits canaux et dépressions du sol où stagne une eau légèrement salée. Elle sent que peut-être dans cette direction il y a la mer, celle qu’elle ne connaît pas encore. Le vent applatit ses vêtements sur elle, tandis que de l’autre côté de son corps ce sont des bosses qui s’ouvrent. Il y a le cimetière, un peu sur la droite, la route est déterminée vers l’avant, sans virages, utile elle va à son but. La mer pourtant n’apparaît pas tout de suite et quand elle la voit elle arrive vite ensuite sur une plage avec deux cahutes à boissons fermées. Des chiens plus grands cette fois-ci et plus curieux. Le sable est humide de la pluie et de l’humidité du vent de la mer, il est gris et sale. Là où les courtes vagues s’essoufflent et là où la pente disparaît dans l’eau, il y a les rebuts : algues, bois, bouts de plastiques, coquillages qui n’ont rien d’exotique. La pluie se remet à tomber et ses vêtements sont humides, elle ramasse des petites choses échouées pour rester et sentir le vent, le son de la mer, pour rester un peu et être dans ce lieu, gris de l’eau et du ciel, plage courte et après des terrains incertains vert. Terre plate.
  • Densité et enveloppe



    Bas-ventre et point faible, dans l’obscurité et en suspension, définition : Etat d’un corps divisé en fines particules qui sont mêlées à un fluide sans qu’il se produise une dissolution. Non pas condescendant sur la chair grelotante et des peaux et des cuisses en sur-place quand quelque chose d’autre se passe avec la tête ailleurs. Parfois le coup les spasmes massés proches et parfois au loin animaux rares observateur. Requin visuel en attente. Ailleurs, corps en sport et non ceux des sportifs, un certain corps de femme, vulnérable, puissance animale à évaluer, inconnue encore, pas de définition donnée, roulements, moments, par moments coordonné, un rythme qui nous est étranger encore et dans lequelle elles peut-être sont entièrement car cela communique avec autre chose dans ces corps.


    Une ligne pour une silhouette et une ombre pour un volume lisse qui, même lorsqu’il n’est pas tranché ouvert, sonne creux. Un fil (à couper le beurre ?) vient faire deux corps, mitose à notre échelle en douleur devenue point. Schéma hors des schémas. Papiers, post-it à poils ou la matérialité cellulaire, sexuelle, vient s’abstraire par humour. Noir graphite que le faire a laissé surgir et a su amener encore ailleurs un peu plus loin. Jamais conciliant avec la maîtrise et parfois une rage en accident.

    Underbelly, de Trine Lise Nedreaas, galerie Eva Hober, 5 mai au 16 juin.
    récapitulation, de Killoffer, galerie Anne Barrault, 5 mai au 16 juin.

  • Nouveau tourisme


    Passant, voyageur, vous êtes venus sur les lieux et attendez : le bateau, l’éclaircie, les autres passants, les petits événements. Vous êtes là et vous êtes ailleurs, l’humidité monte, les gouttes tombent sur la tôle de plastique, vous voyez la vapeur, la buée, mais ce n’est qu’un mur gris et sec. Le lieu est là en absence. Vous regardez votre carte, vous cochez les villes où vous êtes passé, vous regardez ce point sur la carte et voyez le ciel, la lumière y était douce, ou crue, ou nocturne. Des mots se tissent entre ces lieux du monde où vous avez marché, des mots comme des hiéroglyphes effacés, à demi. Reviennent, à la surface de votre mémoire, les noms et les matières du sol comme vous reviennent les titres des livres et leur forme interne globale, remodelée par l’expérience indirecte, ce que vous en avez dit à d’autres et ce que d’autres en ont dit. Puis c’est le trop plein, le spectacle qui vous saisit, la voix qui vous incite et des lucioles agacées, vous êtes aussi le nouveau touriste et émerveillé vous devez être.

    Expodrome, Dominique Gonzalez-Foerster, Mam Paris,13 février – 6 mai.

  • Gris

    L’origine de
    l’expérience subjective
    rondelles
    travaillent parfois
    Qui ou plutôt que
    par le biais
    dans ses doigts
    à deux pas
    ayant pour objet
    Share
    Les divers mouvements
    s’est terminée
    Proche
    alliage
    pour une meilleure
    nouveautés
    à l’ordre
    Les jeux
    de communication
    cherchent

    Vérifiez ici.

  • Rue

    40 mètres de haut, des rafales d’eau s’éclatent sur le bitume, on entend comme la vague des villes, quelqu’un pousse la flotte par le bord. Une bande magnétique pendouille d’une branche à l’autre d’un arbre à l’autre elle n’arrête pas de frintiller. Un gars saoûl braille et chante, 5 secondes. On attend tout le temps que les moteurs arrêtent de passer dans nos oreilles. Quelqu’un a encore oublié d’éteindre la lumière dans l’école, une longue fenêtre. Ciel mauve nuit. Il y a aussi un T-shirt dans l’arbre. Les fenêtres de mes voisins reflétées dans les vitres en face. Quelqu’un a ouvert une boîte à outils.

  • La dent bleue

    pour
    avoir les dents
    facette
    directement inspiré
    noir
    sous la forme
    en train
    prospère
    longue
    je pourrais
    15 janvier 2007
    switch
    tu ne léchera pas
    une foule de dents noires
    s’exercent à courir
    Chine
    rouge
    26 juin 2002 à 08:03:57
    puces
    mais qui est-ce ?
    à un chef
    s’étendre
    il avait
    ta raie
    infection
    au nom
    courte
    dixième
    je crois que
    littéralement
    tout d’abord

    Vérifiez par vous-même ici.

  • Ca ne va plus comme ça : comment mettre une cédille au C majuscule ?

    À changer : ce qui est à brouiller, bousculer, noyer ou renverser, cet état des mots, ce flux, ce canal qui se règle sur sa fréquence et s’huile bien de toutes parts et semble s’articuler hautement, il va falloir le casser et lui donner sa mort et le donner en bataille en pâture à une autre chair une autre voix, un autre cri. Comment, de lui, à partir de son articulation, le disséminer, comment l’arracher à ce moelleux qu’il s’est donné, comment lui donner des coups à ce qu’il en ait la gueule qui s’ouvre, les muscles de la mâchoire étirés et comment cette gueule même faire que d’elle même elle se disloque et se répande, comment rendre le chaos au phrasé trop poli par le courant. Voilà le programme auquel l’écriture va tenter d’échapper, et voilà ce qui va n’être plus la même difficulté, voilà ce qui fait vomir avant et ce qui sera à faire angle de pierres diverses aiguisées entre elles. Voilà ce qui redeviendra bancal, indéfini, cherchant, là où le pied dérapera sur le bord, et le vide, et ce bord et ce vide de quoi le faire, de quelle importation et de quelle violence il viendra, par où, il ne faut plus se satisfaire, ne jamais jamais se satisfaire toujours tout re-jeter.

  • La dent bleue

    C’est demain.

  • Ce qui passe

    On aperçoit au loin les silhouettes qui se dessinent à leur passage dans la lumière artificielle / puis ces passages que la lumière sculpte disparaissent à nouveau dans l’ombre / Certains frôlent l’espace éclairé / les rayons soudain matérialisent leur épaule / en un instant encore plus court / L’image qui se fixe ne résiste pas longtemps / On oublie ce qui se meut dans l’espace inter-électrique / ce que les capteurs aveugles laissent à l’oubli / On évite la matière frémissante pour ne garder que le mouvement clairement dessiné / Ce qui tremble doit être maîtrisé / Mais ce qui est attendu, mouvement, se fixe là cristallisé / le cône de lumière s’est solidifié, le flux n’y passe plus / et pourtant devra nécessairement y passer / Vous attendez, toujours, que quelque-chose se passe / qu’un événement se produise / et pourtant si cette image se meut ce n’est que ce mouvement / ce n’est que cette multiplicité / ce n’est que ce mirage mouvant / et cherchez maintenant, regardez maintenant / Rien n’est représenté ici / vous voyez cette cristallisation / une lumière cristallisée ou zone blanche dite ainsi car se différenciant d’un noir ondulant / une ombre qui n’est l’ombre de rien / qui est seulement ombre car elle n’est pas la lumière / vous voyez ainsi ce qui se meut ou peut-être ne voyez vous rien / rien qui se meuve, sinon votre reflet / vous n’entendez, ne discernez rien / votre respiration par moments.
  • Ah ! ah ! ah! la putréfaction ! le guignol !


    Mon morceau, morceau, trituré et planté partout, mon crâne, fluo, ma peau de front, grains de remou et terreau gorgé de poussière et trace laissée fondue traînée de suinte ; sous les barreaux mes poils mes cheveux mes cellules mes croutes mes amas de cellules mortes mes pores ouverts détachés ; des limaces mes limaces mes laitues mes baves momifiées ; mes morceaux détachés mes nez fouillent l’odeur de la colle de la terre ; des sexes mes sexes bing bang boum couleurs patatra rose vert fluo, bleu fluo, dix kilos de cheveux collés, ça pousse, ça pousse, les pores de ma peau et les pores des champignons sous terre avec un oeil seulement ; trente semaines sans se laver râcler la production avec une cuillère et nourrir le chat ; brancher la cervelle les restes la putréfaction machine à rêver ; pellicules de la pierre de la peau du plastique pellicules, poils collés ; momies, cadeaux déjà pourri ; enterré.

    Tetsumi Kudo, La montagne que nous cherchons est dans la serre, du 18 février au 13 mai, la maison rouge.

  • Un monde idéal


    Trois horizontales établissent le statisme glissant de la surface. Cet orange rougeoyant, c’est lui-même qui s’affirme, délimité par lui-même, trois fois et sans désignation de son rapport avec le nu du tissu. Trois fois oblitération d’un horizon. La largeur – mesurer – besoin mesquin.

    Eclat régulier, c’est celui qu’on va lécher, un froid sur le pied hors du lit, un mat frais parfaitement propre et le contact de cette matière plastique sur la peau. Noir, blanc, noir, blanc, en ondulations réparties régulièrement et mathématiquement, viennent s’épouser – finir le cercle du bras. Dix étages et le tout glisse sur le côté, on est tiré, on s’étale, on vérifie l’axe et la fixité.

    Net et effectivement parfait, régulièrement doublement posé verticalement, sans haut ni bas, sans début, sans fin, sans trace. Nettement répété agencé une trame nous colle net calmement et fausse gaîté. Si objectivement proclamé, pour hébétitude.

    Peintures Aller/Retour, Centre Culturel Suisse, jusqu’au 11 mars.

  • Animal de compagnie

    Du côté de l’évanescence une bête se nourrit des poussières restées, de l’humus résiduel et d’un sable croquant. Elle a la langue râpeuse et se hâte de finir son repas. Demain la même pâtée la rendra frémissante. Sous son poil ses os forment un squelette ; elle a une forme ; forme inconnue de tous et d’elle-même. C’est un cercle parfait, ou un segment de deux mètres. C’est une ligne dont on ne mesure pas la largeur. C’est un rectangle aux angles donnés. Elle gargouille pour avaler.
    Tout ce qu’elle capte se trouve sur l’extrémité gauche, le reste traîne, dans le sens de la lecture. Tout le jour et la nuit elle se renifle et se gratte. Elle se mesure et divise chaque unité par dix, ceci dix fois, puis elle recommence. Elle définit des directions pour le haut et le bas, qu’elle se promet de tenir, puis elle les oublie.
    Son repas est régulier, entre des laps de temps qui sont des jours et des nuits ou les deux à la fois.
  • Sophie

    Je la cherche dans les paperasses perdues de ma mémoire. Je la cherche et j’espère ainsi la retrouver, elle surgira à ce moment, exactement. J’assemble les lettres pour former son nom, mais celui qui m’apparaît n’a rien d’elle, je recommence et c’est toujours ce mot factice. Je la cherche pour refaire ce que j’ai pu mal faire, à ce moment, défaire le déroulement que peut-être j’ai enclenché. Mais son nom toujours m’échappe.
  • Droite

    Droit au mur, en rival rectiligne, tracé, lancé, cible en vue ! Des galçons sur les omoplates, refroidir cette blessure dressée autour, cube. Aux angles la poussière. Rien ne traverse, blackout, huit surfaces, les omoplates en haut. Mute, bourdon, les atomes, chaque os touche la chair. Du bordel ou rien. Tout doux.
  • Bulles

    En activité de suceuse de sang : richement irrigués ils prélèvent en permanence dans le sang du dioxygène qui passe dans le sang et diminue d’autant la quantité de dioxygène contenu dans l’air
    alvéolaire. Lors d’une plongée, la quantité d’azote est présente dans le sang et dans les tissus. En effet, le diazote et le dioxygène peuvent tout deux causer des : pourquoi dit-on que ce
    dernier est saturé en dioxygène ? Et donc : il n’y a pas de volume, ou encore : le volume s’exp(l)ose. En plongée, j’en suce le sang et autant de volume d’air, et autant de dits « oxygène » et dit
    ainsi j’en suce le sang. Ce qui fait volume monte vers la surface, ce que j’en diminue de volume restera sans flotter au fond du gouffre abyssal. Ce qui se gonflait se colle et ce qui
    sérieusement circule cessera.

    La Générale, « Ce volume d’air contenu »
  • Rester

    J’ai vu les reflets de ses grandes rues nouvelles, aux plâtres frais, aux couples neufs, aux larges trottoirs. J’ai cherché les rues cachées et j’ai trouvé, les étals, les enfants, les ordures, les attroupements et la vitesse, le bourdonnement. Sans m’arrêter, une marche qui sait où elle va, sans moi, mais des pas qui vont. La peau qui fuit en dedans devant les regards. La faim qui cherche, rapide, sur les marchandises en désordre. Et c’est la grande fatigue de cette angoisse solitaire, le renoncement, la fin. Les vomissements, les boyaux qui se vident, cachée de la rue dans la petite pension déserte, en plein jour et un peu au frais des murs, derrière. Plusieurs jours, écouter les bruits de cette rue, dans ce port, dans cette île, écouter cela seulement, voir cela seulement, le balcon et le linge qui y sèche, cette rue seulement vue de cet étage. La façade ocre décati en face, grande plage gondolée de bas en haut, les pétarades des mobilettes, les groupes de jeunes hommes en bas. Plusieurs jours et plusieurs heures, avant de reprendre le ferry, plusieurs jours ici sur ce lit et ces draps blancs, qui absorbent les odeurs de mes transpirations. Le mur à droite de la fenêtre, blanc, la chaîne de métal, le blanc de la peinture, décollé dans plusieurs années. Le matelas creusé, l’oreillé dur. Un piano au loin dans les habitations en face, et en haut un balcon et toutes ses plantes vertes. Je demande à rester encore une nuit, je reste, là encore un peu, les dernières heures, la dernière fois, ici, les autres places et les autres rues sont derrières, avec des mariages en blanc et en noir, cadillac, ici, il y a la rue qui finit et le piano qui n’en finit plus. Je me recouds, assise sur la chaise en bois, assise sur le lit, glissant, glissant, couchée, j’accroche à peine les notes du clavier, à peine, elles affleurent, me persuader qu’il joue, me persuader que j’ai vécu.
  • Longer

    L’île promet d’être belle au bord de son eau. Le bus va sortir de la ville. Selon la logique, il devrait longer la côte. Il traverse des bois de dune, les chemins de croisée me font soudainement face, et j’y vois une femme au fond. Je cherche la trace du véhicule qui l’aurait transportée là.

    Trois garçons ont leur serviette jetée sur l’épaule.

    On voit ensuite la mer toujours à droite et donc je vais vers l’ouest. D’un point de vue global. Il est possible que dans l’anfractuosité éventuelle je sois face au nord ou au sud.

    Je tente de reconnaître les signes apparents et visuels d’une plage agréable. La route est grosse.

    Les zones résidentielles.

    Je suis aux aguets pour le lieu que je voudrais. Avec l’appréhension. Je ne le verrai qu’une fois derrière mon dos.

    La longueur parcourue s’emmagasine en moi.

    La salle de bain / Rome aussi est belle/ érotique / vu des corps comme rinçables / la peau plastique étanche

  • Vanité 6

    Ce qui bouille, là, ce qui tremble au milieu de moi, ce qui se spasme comme l’envie lui vient, s’endort, au bord, indigeste et diffusant, latent, à refroidir. Son image en retard de quelques centimètres d’espace, dédoublé, transparent, poussière. Sa putride existence, c’est moi, son pourrissement lent, sans arrière-pensée, sans volonté, rien qui ne dit rien, rien à faire. Diamant.

  • Gravir

    Tu es seule ?
    Oui.
    Tu vas monter jusqu’en haut ? Le car ?
    Oui. Non, à pied.

    Elle me prête son pull. On ne pense pas assez qu’un volcan est une montagne, qu’il y fait froid. Le froid du vent. Son pull est fin. La douceur des collines enchâssées qui font le mont. Le froid du vent. La vitesse des brumes. Une mer de brume en grand courant sur les sables gris, sur la cendre, seulement la cendre. Les brumes vraiment des vagues. Comme sur l’autre, quand on voit au loin le bouillonnement. Je le fixe le plus intensément possible, imprimer une persistance rétinienne. La persistance n’obéit pas à la volonté, des années après.

    Le chemin large pour les engins forme un ruban plat qui coupe le flanc. Une terrasse qui déroule ses virages impassiblement, l’un après l’autre. Au tournant se dévoile le tronçon suivant, et l’autre virage là-bas. Les flancs sont rocheux, des bouillonnements figés qui ne laissent qu’une possibilité : le gris. Un gris attiré vers le noir, et sur quelques zones vers la rouille. Le chemin large creusé se déroule. Il n’y a qu’elle et moi sur la route, elle est parfois devant, dans mon champ de vision, et c’est parfois moi qui occupe le sien. La zone de l’entre-deux finit par être atteinte. Comme une piste de ski, mais gris et déserte. Les filets de brumes accourent vers nous, venant d’en bas. Ces vents ne sont pas qu’air et commencent à être souffre. Le souffle essoufflé de la montée et de l’effort s’empoisonne de souffre indispensablement aspiré. Une petite dose, d’abord. Les jambes ne s’arrêtent pas, car il y a un sommet à atteindre. La journée pour cela. La dose augmente, doucement, au fur et à mesure que le souffle se fait plus court, plus avide, la dose augmente. Une angoisse pointe sous la fierté de monter avec les jambes, de monter pour sentir les étapes, le dénivelé, les variations. Une angoisse qui ne sait pas quelle dose atteindra ce souffre, qui ne connaît pas la distance ni l’effort  encore à fournir. Un air de souffre qui affirme la nature des lieux. Un air qui nous cloue.
    Un plat désert se forme, enclave, région insoupçonnée d’en bas, d’en haut, secret et oasis de poussière au creux. La douce zone entre-deux, la zone de battement. Bien plus étendue qu’ailleurs, un plateau.
    C’est là que le désert de souffre et de cendre se déploie.
    Il a encore, comme des marécages, ces étendues à traverser, pour aborder si on en sort un autre flanc à gravir.

    Sommet. Le sommet n’existe pas. Quelques crêtes autour de vasques de couleurs, fumant.

    Automatismes. Ouverture des portes, laisser sortir avant de monter s’il vous plait, se caler su le côté, l’angle, le tranchant de la porte, dernier passager, élan, regard droite-gauche sièges libres. Viser. S’asseoir, ne pas regarder son voisin d’en face trop dans les yeux. Deuxième, sortir, escaliers, monter, couloir, descendre attendre. Sonnerie de porte, monter, trop de monde, attendre debout d’arriver.
    Je tiens de ma main gauche la barre raccordée au mur, dans le sas où coulissent les deux rames. Les plastiques s’emboîtent pour épouser les virages. Entre flanc gauche et dos contre la paroi ; le sol pivote, au calme, dans le roulis. En face de moi, il tient la barre de sa main gauche. Entre flanc gauche et dos contre la paroi. Tous deux en symétrie les pieds sur le même sol. Les virages font varier la distance entre dos et main. Le bras s’étire et reprend son pliage, de façon symétriquement opposée entre lui et moi. Abandon du corps avec cette main, et ce dos adossé, et le tout pivotant. Après trois stations, je décolle. La main lâche, petit coup du dos pour mettre le corps en marche. Lui, à la même seconde, même mouvement, nos corps après trois pas se heurtent, au centre exactement, il passe, nous sortons jamais plus revu.